La Fumisterie

CAMION-CUISINE - COMÉDIE - POÉSIE - PRESSE - HISTORIQUE

2ème tour

C'est l'histoire d'un mec
qu'est dans l'isoloir.
Il a 2 bulletins de vote dans la main :
le Pen - Macron
et une petite enveloppe bleue dans l'autre.
Il est seul face à sa conscience.

Depuis 2 ans, il lui arrive des trucs.

Il a perdu sa femme pendant le confinement
parce qu'il a bon fond mais mauvais caractère.
Il s'est pris des amendes
parce qu'il a été chercher sa baguette quelquefois
sans perdre 5 minutes à l'expliquer sur une attestation.
Il a passé, 8 heures par jour, 5 jours par semaine
à suffoquer sous son masque,
lui, qui n'a déjà pas un métier facile.
Il ne voit plus les quelques amis qu'il lui restait,
sa vie est d'une tristesse uniforme et infinie.
Il ne voulait pas se faire vacciner
mais il s'est fait vacciner 3 fois
sur l'intimidation de son patron.

Il ne veut pas faire sa 4ème dose mais comment faire?
Il a plus ou moins compris que Macron
est aux ordres d'autres intérêts que les siens.
Il a plus ou moins compris que
la firme américaine McKinsey gère l'État français à sa place.
Il a plus ou moins compris que dans cette société nouvelle
son seul espoir réaliste est de mourir.
(Mais il ne se résout pas à y croire vraiment.)

Il est seul dans son isoloir,
derrière son rideau bleu
contre le sac poubelle scotché à la tablette.
Il n'en peut plus, il déteste Macron.
Il sait qu'il ne survivra pas
à 5 autres années de cette politique.

Alors, il regarde ses 2 bulletins :
Le Pen - Macron
et il vote Macron
parce qu'il est de gauche.

Sophie Lamouroux
11 avril 2022

2ème tour (suite)

C'est l'histoire du même mec de gauche
qui sort du bureau de vote
et qu'a voté Macron.
Il chancelle.
Il s'agenouille d'abord
puis s'affale en roulant, la tête dans le caniveau.
Bien calé dans le béton,
il regarde en l'air et il comprend.

Il comprend qu'il n'a pas juste perdu sa femme,
il a perdu l'amour.
Il n'a pas juste payé des amendes,
il a vendu son âme.
Il n'a pas juste porté un masque,
il a renié son visage, lui-même, sa liberté.
Il n'a pas juste perdu ses amis,
il a tué l'amitié, celle qui relie les hommes
et rend la vie vivable.
Il ne s'est pas juste fait vacciner,
il est assassiné.

Il a accepté d'être Rien
Il s'en est remis à l'Autre.

L'Autre, le Renard, celui qui fait le beau dans ce désert électoral.
Celui qui a tout fait de bonne foi, qui a tué, qui a volé
et qui demande une seconde chance : Macron.
Le véritable escroc est indécelable
car il garde la face jusqu'au bout.
Il sourit, sa noirceur ne l'atteint pas
puisqu'il est la noirceur.
Au contraire, elle l'illumine.

Le mec est allongé, de tout son long, dans le caniveau,
une voiture passe à un cheveu de son oreille et il comprend:
Que l'espoir s'appelle Le Pen ou Tartampion,
il fallait le saisir,
ne pas faire la fine bouche aux valeurs démodées.

Mais l'espoir est bien mince car les dés sont pipés.
On ne vote pas dans une dictature.
On ne renverse pas un tyran par un vote qu'il organise.
Les jeux se sont faits le 7 mai 2017,
ce jour-là, l'ogre a pris possession des manettes
et le peuple n'a rien vu.

Alors, le mec dans le caniveau délire,
il fait le voeu pieux que chacun se réveille après lui
l'éveil du peuple : 90% Le Pen.
Mais hélas! Après lui, le déluge!
Chacun est si empêtré dans ses fausses croyances
qu'il faudrait 7 vies entières pour les défaire.
Non, l'espoir est vain.
Les yeux ne s'ouvriront que dans l'horreur
Les yeux ne s'ouvriront que dans les larmes
Les yeux, pour le moment, aiment éperdument leur bourreau.

Et ses yeux, à lui, au mec, se ferment.

Sophie Lamouroux
12 avril 2022

photo : Lecture des résultats du 1er tour à Fécamp

TEXTE PRÉCÉDENT - PAGE D'ACCUEIL - TEXTE SUIVANT